Première partie | Départ de Berlin | Descendre environ au quart de la page
Deuxième partie | L'Ukraine d'ouest en est | Descendre au 12 juillet
Troisième partie | Cap vers la Russie | Descendre au 25 juillet
Quatrième partie | Stalingrad et retour vers l'Europe | Descendre au 6 août
Épilogue | Descendre à 90% de la page
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En revenant de mes huit derniers mois à l’extérieur de mon pays natal, j’avais envie de partager quelque chose. Le retour à la maison est quelque chose d’assez particulier quand ça fait si longtemps, beaucoup de gens pourront confirmer. On revient avec des souvenirs qu’il est difficile de transmettre à nos vieilles connaissances lorsqu’on les revoit. « Hey, ça fait longtemps ! Puis, ton trip? » « Ah, c’était cool !.... »
Et c’est tout à fait normal. Parce qu'il est difficile de résumer une expérience si longue et si forte dans une conversation de trottoir.
J’aime bien me mettre à l'écriture durant ce genre de trip. Lors des deux derniers mois de l’été, lorsque j’ai entrepris mon aventure vers l’Europe de l’Est, j’ai tenu un journal de bord quotidien. C'était d'abord tout simplement pour me rappeler de mon trip, puis c’est devenu comme écrire un roman d’aventure, mais avec la réalité.
Pour moi, le voyage, ce n’est pas des vacances. Parfois, il faut différencier les deux.
On peut légitimement se demander comment j’ai pu en arriver à visiter une cinquantaine de villes dans dix-huit pays, pendant huit mois, avec un budget d'à peine huit mille dollars. C'est ça un voyage, c'est complexe, c'est rushant, ça demande de faire des calculs de physique quantique pour ne pas tomber à sec. Mais c'est si excitant.
Par exemple, J’ai mes petites habitudes qui fonctionnent très bien. Je mange peu souvent au restaurant (sauf quand j'arrive dans un nouvel endroit, pour découvrir les spécialités locales), je ne paie jamais plus que cinquante dollars pour un billet d’avion/train/bus, et je dirais même que je privilégie fortement le covoiturage versus le bus ou le train. Je n’achète que ce qui m’est strictement essentiel (et bien entendu, pas de souvenirs). Je ne paie presque jamais pour des attractions touristiques, et je préfère marcher les villes plutôt que de prendre des Uber. Je prends toujours la solution la moins chère pour dormir. Bref, c’est vraiment plate de voyager avec moi…
Les jolis villages entourant Grenoble. Photo : LMR
Un petit récapitulatif de mes derniers mois s’impose. Début janvier, je vais étudier à Grenoble en France, en urbanisme. Je fais du ski de fond dans les montagnes. J'étudie un peu.
Mais bon, je ne vais pas mentir... je suis plus souvent ailleurs que dans mes classes à Grenoble.
Le parlement hongrois à Budapest. Photo : LMR
Les calanques de Cassis.
Le vent nord-irlandais.
Classique Venise. Photo : LMR
Parfois, certains arrêts sont moins joyeux. Mais empreints d'émotion.
Auschwitz en Pologne. Photo : LMR
Puis, je me lance dans de jolies aventures.
Comme une randonnée de quatre jours tout seul, dans les Alpes, en autonomie complète.
Ascension de flancs de montagne au parc naturel du Queyras. Même s'il fait chaud en bas, la neige rend la montée difficile au-dessus de 2000 mètres! Photo : LMR
...ou un Bike Trip en Belgique et aux Pays-Bas.
Mon vélo dans un paysage hollandais typique : un canal, des pistes cyclables partout (littéralement), des maisons en brique rouge. Photo : LMR
Pas toujours évident de trouver une forêt aux Pays-Bas, un des pays les plus densément peuplés du monde. Photo : LMR
Une grande partie des Pays-Bas et de la Belgique étant du territoire gagné sur la mer, les canaux sont une composante inévitable du paysage, urbain comme rural. Photo : LMR
Après Amsterdam, je rejoins Rotterdam, qui clash assez bien avec les villes hollandaises classiques. Photo : LMR
Rotterdam donne l'impression d'être plus décousue que ses voisines. Véritable laboratoire architectural, c'est aussi le plus grand port d'Europe. Photo : LMR
Bruges en Belgique, surnommée "la Venise du Nord", nous ramène en l'an 1000. Photo : LMR
Coucher de soleil en plein orage dans la campagne belge. Photo : LMR
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Lisbonne
Fin mai, je rejoins pour deux semaines mes collègues de l’UQAM à Lisbonne, au Portugal, pour un projet académique d’urbanisme. P'tite photo officielle pis toute.
Je reste un mois de plus à Lisbonne pour travailler.
À Cabo da Roca, durant ma job de chauffeur de fourgon neuf-passagers, où je transporte des touristes dans la région. Merci Wikipédia pour ton aide à la portion ''guide touristique'' du travail. Photo : LMR
Belvédère près du Origami Hostel où j'ai ensuite travaillé la majorité du mois restant. Photo : LMR
Le reste du Portugal a aussi son charme teinté de rivières et de verdure, comme ici, à Porto. Photo : LMR
En traversant en Espagne, le changement de climat est assez drastique. L'humidité de l'océan nous quitte. Photo : LMR
Hiking face aux montagnes du Sierra Nevada près de Grenade, en Espagne. Photo : LMR
Le charme de Séville, en Espagne, a des airs de Cuba. Pas étonnant quand on saisit le rôle de Séville dans la colonisation espagnole. Photo : LMR
Début juillet, Lisbonne vers Berlin. Ça y est, il n’y aura pas de retour à la maison cette fois. Plus de Grenoble ou de Lisbonne. À partir de l’Allemagne, je m’évade vers l’Orient, aussi loin que je peux, par la route. Au jour le jour.
Mercredi 5 juillet 2017
Lendemain de brosse – mais cette fois, c’était vraiment mon dernier (au Portugal, bien sûr. Quand même…) Je brunche avec mes amis Yustina et Felipe. Je fais mes adieux à Felipe, mon précieux collègue de travail et de party, une personne en or, sérieux. Je fais la promesse que j’irai le voir au Brésil (que ce soit vrai ou pas, on s’en fout dans ce temps-là), puis je pars avec Yustina. Ouais, on a réservé le même avion. Après Berlin, j’irai la rejoindre à Poznań en Pologne, sa ville natale.
J’ai adoré mon mois de travail au hostel, ça m’a permis de m’installer un peu, avoir un chez-moi sans dépenser, et pour une fois, de connaître une ville réellement en profondeur. Mais je ne quitte pas Lisbonne avec un arrière-goût de nostalgie. Plutôt avec une soif de nouvelles aventures. On tourne la page !
Le vol est tranquille, Yustina part pour la Pologne dès qu’on arrive. J'irai la rejoindre dans trois jours.
En marchant vers mon hostel à Berlin, en soirée, je longe la plus longue partie du Mur encore debout, sans m’y attendre. Noirceur quasi-totale, ce long mur qui me surplombe, personne autour : ambiance réussie. Personne, sauf Lou.
Je fais connaissance. Italo-suisse, emménagée ici, avec une énergie contagieuse. On admire le street-art, on se promet de se revoir le lendemain et je vais me coucher.
Mystérieuse Berlin, bombardée, divisée, polarisée, unifiée, réaménagée. Voyons voir ce qu’elle a à me montrer.
Une fresque réalisée par un artiste québécois sur la portion toujours debout du mur de Berlin. Photo : LMR
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Je passe deux jours à visiter Berlin. Tourisme classique, rien à signaler.
Lou a peint le panorama de ville, sur une terrasse rooftop. Photo : LMR
Des fragments du mur de Berlin à vendre à 15 Euros. Qu'est-ce qu'on ne vendrait pas aujourd'hui ! Photo : LMR
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Samedi 8 juillet 2017
Je me réveille dans cette auberge de jeunesse un peu crade et j’ai tout juste le temps de me diriger vers l’aéroport, où je prends mon bus vers la Pologne. J’ai ensuite droit à de jolies forêts et de paisibles champs sur ma route vers Poznań. Étonnamment, c’est une des parties que je préfère dans mes aventures : me laisser guider d’un point A à un point B, de la bonne musique dans les oreilles, en scrutant le paysage par la vitre tel un roi dans son carrosse. Le territoire qui change, les villes et villages qui s’adaptent à l’environnement et aux populations… C’est encore mieux que bien des cours de 45 heures que j'ai suivi en urbanisme.
Je n’ai en outre que très peu de temps pour découvrir la ville, puisque Justyna m’emmène aussitôt à la pendaison de crémaillère de son ami. Quelques invités, qui me semblent un peu difficiles d’approche au départ ; une ambiance très calme et formelle. Mais aussitôt que la vodka coule à flots, leur deuxième nature se manifeste. Un peu de musique traditionnelle polonaise et les voilà en train de se déhancher ! J’ai même droit à du genre d'Éric Lapointe polonais comme trame de fond, comme ce sympathique gros moustachu dont j’ai oublié le nom, qui semble faire frémir les matantes polonaises. La totale.
On revient aux petites heures (si 7h du mat est toujours considéré comme les petites heures).
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Dimanche 9 juillet
On se lève à 1h30PM. L’ami de Yustyna veut qu’on aille avec lui à la Mer Baltique. oui oui, celle qui nous sépare de la Scandinavie... Wut, c’est loin ! Je stresse pour ma carte de crédit à renouveler et mon visa européen qui expire (je dois contacter l’ambassade). Mais bon, je ne vais pas dire non à une petite escapade, même si ça prend toute la journée. Alors fût-il ainsi, et quatre heures plus tard, on a les pieds dans l’eau. Pas trop froide, honnêtement ! Et au lieu de restaurants derrière la plage, c’est une jolie petite forêt de conifères. De quoi attirer une poignée de touristes allemands qui viennent y chercher du répit (et des bas prix).
Sinon, sur la route vers la mer, c'est pas mal que des champs. La Pologne, c'est des champs !
La Mer Baltique. Photo : LMR
Les trois compagnons.
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Lundi 10 juillet 2017
Journée les deux pieds à Poznań. Je suis préoccupé par mon visa européen qui expire supposément aujourd’hui. Je devrais normalement être sorti de l’Union Européenne. Or, je croyais jusqu’à ce jour que mon visa se terminait le 13 juillet. Pour éviter les ennuis,L’ambassade me conseille simplement de me rendre le plus vite possible hors de l’Union. En Ukraine.
En après-midi, je visite un peu Poznań, je marche beaucoup, comme d’habitude. Le centre est très joli, les façades très colorées et ornementées, les églises en brique rouge dégagent un style bien polonais. Je suis surpris par la modernité de certains quartiers, dire qu’il y a 25 ans, le pays sortait d’un régime communiste à bout de souffle.
En soirée, confection de burgers végétariens chez des amis de Justyna. Des copains bien sympathiques, une bouffe délicieuse et du bon petit vino, voilà !
Le centre de Poznań. Photo : LMR
Un homme a trouvé refuge près du canal. Photo : LMR
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Mardi 11 juillet 2017
Je me lève, brefs adieux à Poznań et je prends mon train à 9:44 pour Varsovie. Malheureusement, je n’ai pas une minute à perdre pour pouvoir sortir du pays sans encombre. plus tôt je passe la frontière, plus grandes sont mes chances d'éviter les problèmes : en gros, c'est une course contre la montre pour sortir de la zone que couvre mon visa européen.
Varsovie m’a grandement surprise. Détruite à 80% après 1945 – d’abord par les bombardements, puis par les révoltes et le rasage total de l’immense ghetto juif – la ville a repoussé de façon impressionnante. Le centre historique, bien que reconstruit et pas vraiment historique, est de toute beauté. Les grandes tours, visiblement récentes, complètent quant à elles le panorama du centre des affaires.
Demain, cap sur Lviv, en Ukraine. Enfin, si je suis capable de passer. On se croise les doigts.
Logements polonais typiques à Varsovie. Photo: LMR
Mercredi 12 juillet 2017
Le trajet en bus vers la frontière ukrainienne dure environ huit heures. Dans le Sud-Est de la Pologne, le paysage devient plus vallonné. Et plus joli ! Même le poste-frontière est installé près d’un joli lac. La face du douanier qui prend mon passeport, elle, est peut-être moins bucolique par contre.
Le douanier repart, on attend. Ici, ils niaisent pas avec la puck : il y a un contrôle polonais à la sortie de la Pologne, puis un contrôle ukrainien à l’entrée de l'Ukraine. Le douanier revient avec mes papiers. Je pense à mon visa européen qui est déjà expiré, je sais pas trop à quoi m’attendre. Est-ce qu'il va me dire de rentrer au Kanada ?
Il me donne mon passeport et se pousse. Cool, on passe à l’étape deux.
Puis les ukrainiens font la même chose. Ha bin kin ! J'ai passé.
Je débarque à Lviv comme sur un autre continent. Pour la première fois en Europe, je me sens dépaysé. L’écriture en cyrillique (l'alphabet український), les vieilles voitures typiques. L’expérience culturelle se poursuit au comptoir d’une pizzeria quand j’essaie de me commander à manger en faisant des simagrées de toutes sortes. L'anglais, ici, ouf... Je crois que je vais essayer d’apprendre des bases en ukrainien ou en russe. Je me sens soudainement un peu gêné d'imposer mon anglais ; je préfère pour l'instant m'en tenir à la gestuelle.
Et puis faire des simagrées, c’est rigolo. Avec un beau sourire, on s’en sort toujours bien.
Coucher de soleil sur Lviv.
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Jeudi 13 juillet 2017
Quatre dollars : c’est le prix que me coûte mon hostel pour la nuit. C’est quasiment le prix d’une nuit au refuge pour sans-abris à Montréal. Pour avoir fait des dizaines de hostels en Europe, c’est probablement le plus petit, mais aussi le plus cozy, j’adore. Et mon PREMIER avec un lave-vaisselle, wow.
Je passe une partie de la journée à discuter avec les autres voyageurs, qui m’en apprennent un peu plus sur l’Ukraine. Je prends connaissance à quel point le pays peut être divisé : les pro-Ukraine et les pro-Europe, versus les pro-russes... En fait, tout part de là : la culture d'appartenance et la langue varient beaucoup d'Ouest en Est du pays. Et ça crée une fracture bien visible.
Je marche la ville en après-midi, de long en large. Lviv, c'est vraiment la « ville aux routes de pavé ». Pour vrai, du pavé comme dans le Vieux-Montréal, ils en ont mis partout. On m'a dit que, contrairement aux autres villes ukrainiennes plus vers l'Est, c’est qui donne à Lviv son air plus européen. Plus on s'éloigne du centre-ville, plus on retrouve l'architecture soviétique. J'aime cette dualité qu'incarne Lviv et qui, après tout, représente bien l'Ukraine.
La fracture de la langue en Ukraine. Source : CNN
Typique Lviv. Oui, avec du pavé. Photo : LMR
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Vendredi 14 juillet 2017
9h, je prends mon café en m’informant le plus possible sur ce qui m’entoure. Histoire, coutumes, trésors cachés. J’aimerais me rendre à Kiev, la capitale, mais je ne sais pas si je veux y aller tout de suite. J’accroche sur cet endroit mystérieux surnommé « Tunnel of love » à mi-chemin vers Kiev : un banal chemin de fer, mais que les arbres ont complètement surplombé, créant alors un effet tunnel assez impressionnant. Le truc, c’est que c’est pas vraiment sur la route principale, ça semble assez perdu. Pas grave.
S’il y a une chose que je sais bien faire, c’est partir vers des endroits comme ça sur un coup de tête. Je vais faire trente-six mille déplacements, un itinéraire qui n’a pas de sens, mais si ça fonctionne, je vais être fier de ma shot et je vais avoir sauvé vingt piasses en chemin. Alors je tente d’acheter un billet de train sur le Net, mais ma banque bloque ma carte de crédit. « Trop louche, un site ukrainien ». J’essaie de contacter ma banque en vain.
Tant pis. Je saute dans le premier tramway qui m’emmène à la gare. Je demande le prochain train pour Rivne, la ville la plus proche de ma destination. 5 euros, à 16h30. Vendu.
Soldats qui montent dans le train pour Rivne. On voit régulièrement des militaires en uniforme ici. Photo : LMR
Le train qui m’emmène à Rivne a seulement quatre petits wagons, pleins à craquer. Je découvre un concept de stockage de passagers assez efficace : tu prends un wagon vide et tu le remplis de longues banquettes, sur la largeur. Peut-être qu’on pourrait s’en inspirer à Montréal pour désengorger la ligne orange?
Après une heure de trajet, les deux jeunes ukrainiennes devant moi me demandent je viens d’où. Elles ont bien vu que je n’étais pas d’ici – j’ai probablement « touriste » d’écrit sur le front actuellement. L’une d’elles vit maintenant aux USA. Heureux de pouvoir enfin discuter dans la langue de Shakespeare, j’entame une longue conversation et, Arrivé à destination, l’ukraino-américaine me fait visiter un peu la ville. Puis on se dit adieu. C’est ce genre de rencontre en voyage qui me donne foi en l’humanité : pas besoin de grand-chose, juste des bonnes personnes au bon moment.
Je me permets d’aller m’installer dans un parc avec une grosse boîte de sushis, payée l’équivalent de 10$ (qui est le plus cher que j’aie déboursé pour de la bouffe dans ce pays, normalement je mange bien pour 2 ou 3 dollars).
Sérieusement, ce parc est l’un des plus beaux parcs urbainsque j’aie vu ever. J’ai presque envie de déménager à Rivne.
Pénombre au parc en plein centre-ville de Rivne. Photo : LMR
L'activité est palpable dans les rues.Vente-trottoir ou marché public ? Photo : LMR
Le parc, un lieu d'échange – littéralement. Photo : LMR
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Samedi 15 juillet 2017
Okay, ce matin, Je démarre avec l’intention d’aller voir ce sacré Tunnel of love, à environ trente kilomètres d’ici.
Je monte dans un minibus qui semble aller dans la bonne direction, puis quarante minutes et quarante passagers plus tard (pour quinze places), je débarque à peu près au centre du village en question. Je cherche un peu mes repères, sous les yeux interrogateurs des rares habitants qui besognent par-ci par-là. Des vraies mamans ukrainiennes avec le foulard-capuche sur la tête, la robe et le tablier, il manquait juste le rouleau à pâte. J’adore ça.
Je longe quelques rues désertes et je m’enfonce dans la petite forêt qui semble être la bonne. Au bout du sentier, voilà, je croise la fameuse voie ferrée entourée de ces branches en forme de voûte. Wow ! Mais ma surprise est aussi celle que je ne suis apparemment pas le seul à avoir eu l’idée de venir ici. Je remarque qu'une dizaine de personnes marchent sur les rails, un petit parking approvisionnant le site de quelques voitures. Deux ou trois petits stands sont campés dans le parking, ils vendent des snacks ou des cartes postales. Il y a même un joueur d’accordéon. Je fréquente des lieux touristiques depuis six mois, mais je suis décidément surpris de voir à quel point le business peut s’accrocher dans un lieu si inaccessible.
Tout le monde essaie de capturer sa photo parfaite pour Instagram. Je vois la scène dé-lec-table d’une jeune femme qui prend la pose de mannequin devant la caméra de son amie, alors qu’entre chaque « shot », elle peste vulgairement contre les maringouins qui la dévorent – décidément, cette place n’est pas human-friendly, à voir le nombre de bibittes qui nous bouffent. Outre une belle observation du vingt-et-unième siècle, l’observation du paysage en soi est très agréable. Le phénomène est joli. Je vais probablement me permettre aussi une photo sur Instagram.
La voûte d'arbres semble vraiment s'étirer à l'infini. Photo: LMR
De retour à Rivne, j'achète mon billet de bus pour Kiev, je me rend compte qu'il part dans vingt minutes, je cours vers cette gare routière cacophonique à sa recherche, je ne trouve pas mon vrai chauffeur au milieu des dizaines d'autres qui viennent m'achaler, puis c'est l'heure du départ... lorsqu'un petit homme moustachu, repassant sur sa liste de passagers, crie : « Laurentzzz? »
Cinq heures plus tard, Kiev, me voilà.
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Lundi 17 juillet 2017
Premier objectif de la journée : aller faire un tour à l’ambassade russe. Je voudrais m’informer sur les démarches de visa pour éventuellementaller en Russie. Ça m'intrigue.
Je m’y rends en bus. Curieux, ces minibus ukrainiens : pour entrer, tu lances quelques billets au chauffeur (littéralement). Le montant correspond environ à la distance que tu vas parcourir dans le bus. J’ai pas encore compris comment on détermine ce montant, mais tout le monde semble se prêter à cette règle, machinalement, humblement. C’est beau.
Je trouve à ma destination un édifice entouré de barbelés sur des murs deux fois ma taille. Des soldats patrouillent autour. J’ai presque peur de me faire descendre en longeant les remparts pour trouver une entrée. Mais j’ai pas une face de diplomate, tsé... alors un garde lourdement armé me fait comprendre que les visas, c’est pas à l’ambassade. C’est dans un autre consulat à l’autre bout de la ville.
Portion urbanisme : le métro de Kiev est spécialement imposant. Massif et achalandé, c’est le plus profond sous terre que j’ai jamais vu (facilement 5 minutes pour y descendre), et celui où les stations sont les plus éloignées (facilement trente minutes de marche entre elles).
Anecdote stupide mais je l’écris pour m’en rappeler toute ma vie : mon estomac vire complètement à l’envers en quelques secondes quand je marche en ville. Ça doit être les p'tits fruits que j'ai acheté dans la rue. Mon corps ne me donne même pas trois minutes d'attente : j’ai tout juste le temps de trouver quelques arbres et de m’accroupir pour un joli numéro deux en pleine ville. Vive les voyages…
Je vais ensuite visiter la plus grande statue que j’aurais jamais pensé voir de ma vie. Soixante-dix mètres de haut : La statue de la Mère-Patrie, du haut de sa colline, brandit un bouclier aux armoiries de l’URSS. De la mégalomanie stalinienne à plein nez. En contrebas, un parcours imposant en béton (oui, en pierre et en béton)qui glorifie l’héroïsme soviétique durant la guerre : une propagande assez intimidante qui a dû coûter une fortune. Et étonnement, tout est encore là, vingt-cinq ans après l'URSS.
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Dimanche 16 juillet 2017
Matin ensoleillé sous le ciel de Kiev, majestueuse capitale de l’Ukraine. Je pars explorer la ville avec la suisse-allemande de mon dortoir, dont le nom m'échappe.
Immenses boulevards, bâtiments imposants, trottoirs bondés. Ah, et des passages piétons souterrains partout, pour passer sous les boulevards. On s’immisce dans un long parc qui borde la haute-ville, qui donne une vue sur la grande rivière et les tours résidentielles communistes en périphérie. Et sur les magnifiques églises. Kiev en regorge ! Des merveilles du culte orthodoxe, avec les pignons arrondis dorés et les couleurs flamboyantes des façades. Ça change de nos églises en pierre grise !
Théâtre des révolutions sanglantes de 2013, la Place de l'Indépendance m'impressionne en outre par son aménagement réinventé. Elle est moderne, centrale, vivante. Des fontaines, des kiosques, presque pas de voitures. Je prends des notes pour mes projets académiques d’urbanisme.
En soirée, j'ai droit à un mini-cours de russe et d’alphabet cyrillique. Merci Pia ! Ah ouais, c’est Pia le nom de la suisse-allemande, elle vient de me le dire. Bonne nuit !
La place de l'Indépendance, le centre névralgique de Kiev. Photo : LMR
La statue de la Mère-Patrie de Kiev (70m de haut). Photo : LMR
D'une vingtaine (voire trentaine) de mètres de hauteur, ces gigantesques sculptures de guerre ponctuent, pendant une centaine de mètres, une allée cloisonnée par de hauts murs en béton. Photo : LMR
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18 - 19 juillet 2017
Je citerai un seul paragraphe pour résumer ces deux jours :
Ça en prend des journées comme ça parfois, pour gérer la paperasse, mais aussi pour faire le point sur mon aventure, et planifier la suite. Je regarde les cartes, je fais des simulations d’itinéraires et je m’informe sur tout ce que je peux. Je pratique mon alphabet cyrillique. Je commence à apprendre le russe. Ouais, le russe. Honnêtement, depuis hier, je sens cette motivation à entrer en Russie, car je sens que ça peut être réalisable. Et c’est pourquoi je retourne encore avec détermination au café Internet pour terminer l’impression de tous mes papiers. Est-ce que je fais tout ça pour rien ? Peut-être. Mais quand j’ai un projet en tête… Mouhaha.
Le visa russe est très difficile à obtenir : invitation officielle d’une compagnie de voyage, divulgation de l’itinéraire exact avec preuves de réservations d’hôtel (qu'est-ce qui dit que je vais nécessairement aller dormir là et là?), vérification judiciaire... En plus, je devrai recevoir mon visa ici en Ukraine, un pays dans une amitié inébranlable avec la Russie actuellement (j'rigole).
Quand il est question de vendre des bébelles russes, les ukrainiens ne font rien à moitié... Photo : LMR
Les poumons de Kiev. Photo : LMR
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Mardi 20 juillet 2017
Cher journal, j’espère que je ne t’ai pas trop manqué après ces quelques jours.
Aujourd’hui, Jour-J pour le dépôt de mon dossier de visa. Je me rends au consulat tel qu’indiqué sur mon papier de rendez-vous, je passe les gardes à qui je leur laisse tous mes effets personnels, et j’attends dans la salle. C’est amusant de voir à quel point ils s’en foutent : moi qui pestais contre la bureaucratie française cet hiver, je n’avais rien vu. Et j’ai décidé de ne plus jamais me plaindre de la bureaucratie québécoise (ou presque). À côté de ça, c'est comme un fast-food McDo. Efficace, conciliant, et t’as même droit à un petit sourire.
J’explique. Quand j’arrive pour payer mon visa au guichet, la dame me parle en russe, je fais signe que je ne comprends pas mais je m’efforce de déchiffrer. Elle essayait de me dire le montant. Je paie et, épuisée de sa dure expérience interculturelle de deux minutes, elle me lance un regard en langage universel qui signifie « décalisse », ajoute un « woush-woush » du revers de la main et, attention, un petit bisou de mépris. Sa vie avait pas l’air facile.
Sur une note plus positive, je passe l’après-midi au musée national de Tchernobyl (note positive? oupelaye). Tchernobyl, la plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire, qui eut lieu en 1986 à cent kilomètres de Kiev. Ça frappe de voir ça quand même. Voir les photos et témoignages des « liquidateurs », ces scientifiques, ouvriers, ingénieurs, pompiers qui se sont rendus à la centrale après l’explosion. Ils sont plus de 300 000 à y avoir été envoyé. Et là on nous dit : ceux-ci sont morts d’irradiation excessive, ceux-là sont morts du cancer dix ans après. C’est assez lugubre.
Je fais ensuite un petit détour à un endroit incongru caché sur une île de la rivière de Kiev : le plus grand gym extérieur au monde. Construit petit à petit durant l'URSS par des amateurs avec des bouts de métal, des pneus, des chaînes. Assemblez ces trois matériaux et vous avez un bench-press pas mal du tout. Y’a pas plus viril que ça.
Puis je sais plus comment, mais je me retrouve à boire de la vodka à minuit avec d’autres sympathiques individus dans le hostel. L’un d’entre eux est sourd. Et il est devenu vraiment saoûl. Et vraimentdérangeant. Ça, c’est fucking drôle.
Le plus grand gym extérieur au monde (section bench-press). Photo : LMR
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Vendredi 21 juillet 2017
Aujourd’hui, je me rends à Kharkiv, deuxième plus grosse ville d’Ukraine, dans l’Est du pays, près de la Russie. À environ 7$ le billet de bus, ça vaut la peine de faire le détour en attendant mon visa russe, que je ramasserai – si on me l’accorde – mercredi prochain à Kiev.
Le petit hostel où je loge me fait faire des rencontres intéressantes. Le réceptionniste est super drôle. Il parle un anglais extrêmement élémentaire, mais il tient tout de même à faire la conversation. Il me pointe des trucs dans la cuisine et me les dit en russe, ensuite il veut que je lui dise le nom en anglais, comme un petit enfant qui apprend à parler. J’espère donc me servir de « four à micro-ondes » et de « planche à découper » en russe très bientôt. ;-)
Les gens sont souvent contents de me voir arriver « d’aussi loin ». Les seuls touristes qu’ils ont ici proviennent des pays de l’ex-URSS. Même si la Guerre Froide est terminée, j'ai parfois l'impression qu’entre « l’Occident » et ici, c’est presque deux mondes indépendants, qui fonctionnent séparément.
Tandis que j’y pense, il y a deux choses qui me frappent à force de voyager dans ce pays. D’abord, les pubs de l’armée dans la rue : il y en a partout. Ils ont besoin de soldats, ça a l’air. C’est peut-être pour ça que je croise autant de militaires en uniforme. Il est fort probable que ce soit relié à la guerre entre l’armée et les rebelles près de Donetsk, à quelques centaines de kilomètres d'ici.
Deuxième chose, les talons hauts. Par-tout ! Les jeunes femmes portent beaucoup d’attention à leur apparence. Je remarque que c’est peut-être un peu culturel : certains night-clubs font même du « face-control » pour permettre ou refuser l’entrée aux gens, selon leur « beauté »...
Chaton errant à Kharkiv. Photo : LMR
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Samedi 22 juillet 2017
Je passe ma journée à déambuler dans Kharkiv, une ville suprenante. Le centre-ville est vivant et à échelle humaine.
Allez, maintenant j'ai plutôt envie de me reposer que d'écrire. On se revoit demain, cher journal.
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Le Derzhprom, à Kharkiv, une fascinante pièce d'histoire. Érigé en 1925, ce complexe soviétique était à l'époque le plus haut gratte-ciel d'Europe. Photo : LMR
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Dimanche 23 juillet
Je me lève tard. Ça fait du bien de relaxer un peu. Je discute au téléphone avec Marina, une amie que je me suis fait à Kiev, qui me conseille un peu dans mes projets. Puis, en fin d’après-midi, je me sens prêt, mentalement, physiquement. J’ai rempli ma tête de tout ce qu’il faut, et je fais la même chose avec mon petit sac à dos. Je file vers la gare où j’achète un billet Kharkiv-Kiev pour demain soir, et un billet vers Izioum ce soir. Izioum ? C’est où, pourquoi ? C’est une toute petite ville, à deux heures de train au Sud. C’est bien isolé. Et c’est pour ça que je veux y aller.
Vous vous rappelez un peu plus haut quand je vous parlais des publicités de l'armée et de la guerre en cours près d'ici ? Petite mise en contexte : depuis 2014, un conflit oppose des révolutionnaires pro-Russie (financés par derrière par Vladimir Poutine) contre l’armée ukrainienne. La ligne de front s’est grossièrement stabilisée l’an passé à Donetsk, deux cent kilomètres plus loin qu’Izioum.
Carte originale : CNN (modifiée librement)
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J’vous ai pas perdu ?
Donc, le territoire entre Donetsk et la frontière russe est revendiqué aujourd’hui par les rebelles comme un nouvel État indépendant. Izioum, où je dors ce soir, est situéjuste avant la "frontière" de ce territoire, du côté contrôlé par l'Ukraine. Je suis simplement curieux de découvrir une autre Ukraine, probablement modelée, en partie, par le conflit.
J’ai réservé la seule chambre que j’aie pu trouver dans ce patelin d’Izioum. Dix euros. Déjà, le deal est bon. Je vais découvrir que c’est le meilleur deal de chambre d’hôtel de ma vie. Un lit queen, une salle de bain privée, des petites décos pis toute… et un déjeuner pour demain ! Kessé ça ? J’veux dire, comment c’est possible ? En plus, le personnel est super gentil et me traite comme un roi. Ils sont incroyables. Je dois être le seul étranger qu’ils ont vu ici depuis un méchant bout.
Pour ce genre d’aventure, je chéris un concept personnel que j’appelle le « risque calculé ». C’est-à-dire, ne jamais mettre ma personne face à un danger substantiel pour ma santé. Tout est dans le « substantiel » parce que oui, il y aura toujours un risque, mais il s'agit de le calculer sommairement.
Je me dis toujours : c’est quoi le pire qu’il pourrait m’arriver, et c’est quoi les chances environ ? Dans ce cas ci-présent, on parle plutôt d'un risque, au pire, d'être arrêté, dépouillé de mes affaires ou expulsé. Mais le risque pour ma santé est très faible.
Alors demain, c’est décidé, j’irai plus loin. J’entrerai dans la Province de Donetsk, que les rebelles avaient pris en entier il y a deux ans.
Parce que je bois toujours cette fascination de l’inconnu et ce rush d’adrénaline qui me donne l’impression d’être en vie plus que jamais. Mais aussi, ce rêve de petit gars d'être reporter à l'étranger et de témoigner de réalités qui ne sont pas toujours bien connues. Et de nourrir mes connaissances sur le monde.
On vit à fond ou pas ?
La barrière de la langue, dans les magasins, ça peut être comique (remarquez les enseignes jaunes). Photos : LMR
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Lundi 24 juillet 2017
Oh, what a day. Je démarre la journée à la petite station de bus d’Izioum, avec mon plan de la veille. Après de longs efforts à déchiffrer la direction d’un vieux bus, je monte dedans. Il est difficile de recevoir des indications efficaces avec la barrière de la langue. Et c’est bien amusant de voir l'expression faciale des gens, du genre « Kessé tu câlisse ici? »
Bref, le bus part pour Sloviansk, une petite ville à une heure d’ici dans la Province de Donetsk. À l’intérieur, les gens s’accrochent partout où ils peuvent. Le prix du voyage ? À peu près un dollar canadien.
Ma première préoccupation fut de passer la « frontière » de la Province de Donetsk, qui est toujours revendiquée en entier par les rebelles. Y a-t-il un contrôle ? Qu'est-ce qu'il va m'arriver s'ils m'interrogent ?
Je prends une grande inspiration quand on s’arrête à ce qui semble être un contrôle policier. Le chauffeur sort, s’obstine avec les agents, montre quelques papiers et revient. Bon, ça passe. On entre sur le fameux territoire. Puis, on bifurque dans une route sinueuse et cahoteuse. Elle nous amène à Sloviansk.
Je sors aveuglément du bus en plein centre de la ville. Sloviansk fut le théâtre d’affrontements assez violents en 2014 lors de ce qu’on a appelé le « Siège de Sloviansk ».
Après que les rebelles séparatistes aient occupé la ville, l’armée ukrainienne mena une large opération de reconquête, entraînant dans la foulée plusieurs prises d’otages et environ 40% de la population à quitter la ville. Même si la vie a tranquillement repris son cours depuis cet épisode, j’ai bien senti que je trouvais dans un environnement bien différent.
Des camions de l'armée ukrainienne à Sloviansk. Photo : LMR
Un panneau qui fait la promotion d'une Ukraine "unie". Photo : LMR
La ville en soi semble un peu laissée à l’abandon. Rien d’extrême, mais contrairement au reste de l'Ukraine, on voit que les parcs n’ont pas été entretenus ; les routes, trottoirs et voitures suivent souvent la tendance. Parfaitement compréhensible. L’atmosphère de la ville est assez énigmatique, je dirais. Je vois la présence de l'armée ukrainienne, signe qu'elle a bien repris son emprise. Mais qu’en est-il des gens ? En sont-ils satisfaits, ou si une partie de la population préfère toujours les séparatistes ? Ont-ils peur ? Il m’est impossible de savoir. Une chose est sûre, même si l'atmosphère est différente, ce n’est pas la ville post-apocalyptique sur laquelle j’avais lu sur internet.
J’adopte un profil bas, par précaution. Je ne connais pas l’évolution des mentalités ici depuis la guerre. Mais pour les rares fois où je sors ma caméra, les passants n’ont pas semblé inconfortables. C’est plutôt moi qui semblais parfois inconfortable de photographier une ville qui a vécu les impacts de la guerre.
J’aurais aimé y passer toute la journée, mais je ne dois pas tarder à repartir : j’ai un train Kharkiv-Kiev qui m’attend ce soir. J’aurai ensuite droit à d’immenses champs de tournesol sur la route vers Kharkiv. Jaune à perte de vue. Sublime.
Je dis au-revoir à Kharkiv dans le tramway vers la gare, pendant que le chauffeur descend du wagon avec une barre à clou pour changer l’aiguillage des rails (oh yeah, fallait que je le mentionne).
Demain, c'est le grand jour pour mon visa russe. Lorsque j’avais déposé officiellement tous mes documents au consulat la semaine dernière, et que j’ai demandé à la préposée du genre « on jase là, j’ai combien de chances de l’avoir? », elle m’a répondu « fifty-fifty ».
Well. Let’s see what happen.
Publicité de l'armée ukrainienne à Sloviansk, où la guerre est toujours fraîche dans la mémoire collective. Photo : LMR
Moi, le bus Изюм-Словянськ (Izioum-Sloviansk) et les champs de tournesol. Photo : LMR
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Mardi 25 juillet 2017
Consulat de Russie à Kiev, 12:15.
On m’appelle au guichet. La préposée sort ce qui semble être mon passeport, et le dépose devant moi, ouvert. À la page d’un visa pour la Fédération de Russie.
« Loran Messié-Roye » (écrit comme ça en cyrillique, j’te jure) est autorisé noir sur blanc à joindre la nation de la vodka jusqu’au 21 août. Oh yeeeeah.
Le reste de ma journée se décompose donc entre de la préparation pour la suite de l’aventure et une discussion passionnée avec un barbier qui me demande « c’est quoi le salaire moyen au Canada » (c’est la troisième fois qu’on me demande ça… je sais pas guys, allez voir sur Internet?)
Parfois on fait des trouvailles surprenantes, comme ce Dollarama ukrainien (2ème photo).
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Mercredi 26 juillet 2017
Une fois le visa dans la poche, qu’est-ce qu’il reste à faire ? Planifier mon trajet. Je vise Moscou pour initier l’aventure : central et plus commode, ensuite, j'iraitranquillement vers le sud, jusqu’aux montagnes du Caucase. Une chance que j'ai Marina pour me dénicher un billet de bus vraiment pas cher.
Marina, j’en ai parlé l’autre jour, c’est l’ukrainienne que j’ai rencontré à Kiev la semaine passée. Elle aime bien m'aider dans ma logistique de voyage. En fait, je dis ukrainienne, mais elle vient de la Crimée, région « annexée » par la Russie récemment, bref, on sait plus…
« C’est quoi la ressemblance entre la Crimée ukrainienne et la fée des dents? » Je ne manque jamais une occasion de lui faire une blague chiante (elle fait la même chose sur mon accent franco). J’enchaîne : « Les deux n’exis… »
Et je mange un coup de poing sur la gueule.
Ben, un coup de poing à distance, à travers WhatsApp.
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Je skip une autre journée d'écriture. On se revoit demain, cher journal.
Au revoir Kiev. Photo : LMR
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Vendredi 28 juillet 2017
Au revoir Kiev ! Petit tour au McDo du coin avant de partir. Ouais, j’ai la curieuse habitude de visiter les McDo de chaque pays, PAS parce que j’aime la bouffe qu’ils servent, mais parce que c’est une expérience culturelle version fast-food. Ici, par exemple, y’a des « nuggets au camembert ». Huh ? En plus, au McDo, t’es certain d’avoir du wifi... Y l’ont tu l’affaire ?
Avant de partir, je me rends à ma bien-aimée Place de l’Indépendance avec Angelina, une amie du hostel. On rit encore du gars sourd complètement saoûl de l’autre soir. Ahh, tous ces gens ! C’est ce qui est dommage quand on rencontre du monde sur la trotte : on ne les reverra jamais, pour la grande majorité. But life goes on, et au fur et à mesure, on se forge une sorte de carapace. J’apprécie davantage le moment présent comme une succession de moments agréables, sans espérer qu’ils ne reproduisent dans l’avenir. Et c’est un peu la beauté du voyage.
Le bus de Moscou est un mastodonte de 70 passagers. Je pars quand la nuit tombe. Rapidement, la petitesse des sièges et le manque de climatisation me rendent la vie dure. On passe presque quatre heures à la frontière, parce qu'aux douanes ukrainiennes, dans une pénombre intimidante, un chien policier doit nous… renifler un par un. Tranquillement.
À ce moment, avec tous les passagers alignés dehors dans le noir, l'atmosphère est digne d'un film. Le silence est palpable. Seule la flashlight du douanier éclaire la pénombre, laissant voir le museau du chien qui scrute tout, minutieusement. Soudain, le chien s’assoit et jappe devant une passagère qui tient une cigarette allumée. La dame se fait amener à l’écart par des militaires. On attend.
Come on, elle s’est quand même pas allumé un pétard aux douanes ? J'ai l'impression que oui. Après un temps, on remonte dans le bus et on avance aux douanes russes, cent mètres plus loin. Et je n’ai pas vu la malheureuse remonter à bord...
Du côté russe, ils ne niaisent pas avec la puck non plus. On ramasse tous nos bagages respectifs, et on entre dans un contrôle de sécurité, comme à l’aéroport. Le bus est fouillé minutieusement avec des flashlights et des chiens.
Et nous poursuivons notre route toute la nuit, dans les champs de la Russie…
La Place Rouge. Photo : LMR
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Samedi 29 juillet 2017
Le bus arrive à 11h ce matin. J’ai mal dormi, je suis crevé. Dix-huit heures de bus non-stop !
Je me rends à la Place Rouge, le centre névralgique de Moscou. Je m’arrête quelques minutes. Wow ! Je ne m’attendais pas à ça, c’est vraiment grandiose. Ça a quelque chose de particulier ; quelque chose de beau mais d’intimidant à la fois, une prestance unique comparativement aux autres places publiques que j’aie pu voir en Europe. Elle est géante et vide – vide de mobilier bien sûr, pas de passants – et recouverte d’un pavé de grandes dalles grises. Ça lui donne cet air brutal et mystique. Peut-être aussi parce qu’elle s’étale au sommet d’une légère butte, comme si on pouvait littéralement y observer la courbure de la Terre tant elle est étalée, avec au loin ; comme poussant magiquement du bitume, les majestueux pignons multicolores de la cathédrale Saint-Basile. Je crois que c’est justement ça, droit dans mon champ de vision, qui m’hypnotise tant.
D’un côté de la Place Rouge, l’immense muraille rouge du Kremlin donne à l’endroit cette atmosphère intimidante. Je longe le mur et fais le tour de la forteresse qui abrite Vladimir Poutine et son gouvernement. Ça me fait penser à la Cité Interdite... À chaque pays sa façon d’exposer le pouvoir : derrière des immenses murs pour le Kremlin, derrière une clôture en métal pour la Maison-Blanche, et au Canada, tu peux carrément entrer dans le Parlement et même faire un selfie avec Justin Trudeau si t’es chanceux.
J’entre dans le quartier où je vais dormir. Central, aux allures bourgeoises, bars branchés et petits cafés à l’européenne inclus. Avec ses façades claires et soignées, mon quartier me rappelle Vienne en Autriche.
Allez, bonne nuit. Je reprends des forces pour demain !
Je réalise lentement pourquoi la cathédrale Saint-Basile m'hypnotise tant. Aussi cliché soit-il, je crois que c'est le plus beau bâtiment que j’aie vu de ma vie. Photo : LMR
Les murs du Kremlin, rouges vifs, opaques, imposants.
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Dimanche 30 juillet 2017
Journée lente à démarrer. Je marche le quartier, je vais prendre un café. Eh oui, la rumeur est bien vraie, Moscou, c’est cher. Enfin, ça me rappelle les prix de l’Europe de l’Ouest. Donc, pas trop souvent, les petits cafés branchés.
J’initie une longue marche à travers la ville, jusqu’au bord de la rivière, jusqu’au parc Gorki, « Central Park » de Moscou. Tout me semble extravagant, à chaque tournant sa statue, sa fontaine, son setup de design urbain. Le grand centre de Moscou concentre visiblement une partie notoire de la richesse nationale. On ne peut pas dire que ce n’est pas joli.
Certaines choses que je remarque dans la capitale russe : Y’a des gardes de sécurité partout, même à l’entrée des parcs. Garda inc. doit faire des affaires en or ici. Aussi, c’est le retour des touristes asiatiques, on se croirait presque dans le Vieux-Québec. Après un pays aussi "blanc" que l’Ukraine, ça fait du bien de voir quelques couleurs.
Deuxième journée, premiers constats. Dans ma vision initiale de la Russie, comme dans celle de probablement beaucoup de canadiens, j’appréhendais un État quasi-totalitaire, fermé à toute influence de l’Occident. Or, visiblement, la situation est beaucoup plus nuancée. On écoute Katy Perry, on se vêtit d’Adidas et de Lacoste. Je crois que cette impression était créée par ce qu’on entend de la Russie dans les médias occidentaux, c’est-à-dire la plupart du temps quand ça va mal. Et dans la culture populaire, on s’amuse peut-être un peu à diaboliser les russes, qui sont au fond – pour la plupart – beaucoup moins fermés que l'image qu'on a de leurs dirigeants.
Car pour les dirigeants, c'est une autre paire de manches. C'est un pays dirigé de façon plutôt totalitaire, comme me le rappelle ce tract que je reçois dans la rue. Un groupe d'opposants à Vladimir Poutine se promenait discrètement entre les passants pour en faire la distribution. Une action qui pourrait leur coûter cher, s'ils se faisaient prendre...
Il faut dire qu'affronter Vladimir Poutine, c'est quand même tout un défi. On me distribue le tract de son opposant numéro un pour les prochaines "élections". Photo : LMR
Mise à jour - Automne 2020 : Alexeï Navalny, qu'on voit sur le tract, est entré aux soins intensifs de Berlin. Selon le diagnostic médical, tout porte à croire qu'il a été empoisonné par les services secrets russes. Il est retourné en Russie, a été arrêté pour une inculpation de soi-disant "corruption", et emprisonné pour une durée indéterminée.
Le centre des affaires de Moscou. Photo : LMR
Un policier déloge les curieux qui ont grimpé en haut d'un pont de fer (dont moi oups) pour admirer la vue. Photo : LMR
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Lundi 31 juillet 2017
Voilà une journée au parcours assez inattendu, comme on les aime. Le petit hostel est, comme bien d’autres, rempli de sympathiques individus aux parcours des plus diversifiés. Par exemple, Danis, ce biélorusse beaucoup trop gentil qui en connaît beaucoup trop sur le Québec (c’en est presque louche), ou Iara, cette brésilienne qui vit sur la trotte depuis des années, dont l’itinéraire actuel est étrangement similaire au mien. Elle arrive d’Ukraine et souhaite se rendre dans les montagnes du Caucase, comme moi j'aimerais faire après la Russie. Voyageuse d’expérience, énergique mais au tempérament bien posé, elle en a vu de toutes les couleurs, selon ses histoires. En discutant, elle me propose de l’accompagner à Vladimir (oui oui, c'est le nom d'une ville) à environ huit heures de bus d’ici. À Vladimir, tu dis ? Emm, ah pourquoi pas !
Le bus part en fin d’après-midi dans une station bien reculée de la banlieue moscovite. Entre-temps, j’essaie de voir comment je vais enregistrer mon visa dans chacune des villes (ouais, il faut faire ça pour que le gouvernement russe puisse « suivre » notre trajet), et je me régale dans un resto géorgien. La bouffe géorgienne est, pour l'instant, la meilleure bouffe que je mange en Russie. Les cuisines russes et géorgiennes (deux pays voisins) ont beaucoup d'éléments similaires.
Vladimir, c’est une ville moyenne de campagne, typique, pas trop bruyante, exactement ce que j’avais besoin. Et Iara a pensé à tout : demain, nous irons dans ce petit village nommé Suzdal, qui semble encore plus typique. Et calme. Et rural. Et russe. Astalavista. Bonne nuit !
Des habitants de Vladimir relaxent en observant le paysage. Photo : LMR
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Mardi 1er aout 2017
Aujourd’hui marquait le début du mois d’août, mais aussi, le début de mon dernier mois à l’étranger, après près de sept mois d'exil. C'est aussi le début de ma survie sur mes économies – ma carte de crédit expirait hier, sans possibilité de la renouveler (donc j’ai retiré ce matin vingt mille roubles en cash que j'ai disséminé un peu partout dans mes affaires, mais shhhh ! Dites-le pas trop fort.)
Comment on fête tout ça ?
On va à Suzdal ! Comme je le laissais entendre hier, c’est un charmant village russe figé au dix-septième siècle, qui a probablement plus de vaches que d’habitants. Mais peut-être autant de visiteurs que de vaches. Parce que c'est très joli.
Je m’entends bien avec Iara. Elle est plus vieille (mi-trentaine) mais on est sur le même beat et quand on l’est pas, on prend chacun notre bord. Elle a gardé son cœur d’enfant. Pis elle fait de la bonne bouffe (ouais, j’en profite).
Suzdal : une rivière, de la nature, des églises orthodoxes . Photo : LMR
Une habitante de Suzdal. photo : LMR
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Mercredi 2 août 2017
Rien d’extraordinaire aujourd’hui, et c’est PARFAIT. Notre hostel à Vladimir, petit havre de paix, est juste trop confortable. Je tente de planifier la suite de mon voyage, je tourne les cartes dans tous les sens, je me sens comme un stratège militaire qui prépare ses conquêtes. Je dis que je « tente » de planifier parce que j’explore des solutions, mais je ne ressors aucun consensus entre mon petit ange et mon petit démon. Exotique ? Trop risqué. Authentique ? Trop cher. Et j’aimerais bien poursuivre l’aventure avec Iara, mais elle aussi, elle change d’idée à chaque seconde. Ehh ben. Mais on va finir par y arriver.
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Et là, je skip deux jours de vie à Vladimir. Je reprends la suite samedi.
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Samedi 5 août
Ouuupelaye. Je suis où ? Pourquoi ? Bon, je récapitule : j’ai pris un covoiturage à 7h ce matin, au centre de Vladimir. OK. Mon chauffeur : Andreiy, ben fier de sa nouvelle Kia, de sa femme et de ses deux enfants. Dès 7h01, Il me pique une jasette bien garnie avec les vingt mots anglais de son vocabulaire, du genre « life », « love » ou « money » (on dirait qu’il traîne sa banque de mots avec lui). Sympathique personnage.
Je découvre très vite que mon ami Andreiy a le pied assez lourd sur la pédale. Le gars en avant va à seulement 130km/h dans le virage en équerre ? Ok, on le dépasse. Allright. Une vieille dame fait du pouce avec ses sacs de légumes en plein milieu du bois (WTF) ? Hop, on l’embarque pour la prochaine heure. Andreiy a un grand cœur. Andreiy est un sympathique chauffard.
Mais non, Andreiy n’est pas chauffard. Malgré son tempérament de coké, ici, c’est le pape au milieu d’une scène de Fast and Furious. On se fait dépasser plus qu’on ne dépasse, parfois on est dépassé en dépassant, il y a presque plus de monde en sens inverse que dans la voie de droite (j’exagère à peine). Un dix-roues arrive à contresens dans la même voie ? Si tu peux pas encore lire son numéro de plaque en avant, y'a pas encore raison de se tasser.
Donc, ce sera seize heures de trajet comme ça, en étant fatigué de ma courte nuit, en ayant mal au corps au complet (j’ai trop bu d’eau du robinet sérieux, mon ventre aime pas ça). Heureusement, j’ai Andreiy pour me dire « Wife good, life good. Gôde bless ».
À mi-trajet, je tente banalement d’aller chercher quelque divertissement sur mon vieux iPhone quand je remarque qu’il ne répond joyeusement plus. Ok, on raye « téléphone », « Internet », « Google Maps » et quelques autres trucs de ma liste d’outils à disposition. Ça va, au moins, il y a toujours ma carte de crédit qui fonct… euh, non, c’est vrai. Faut que je vive sur mes économies en argent liquide.
Ok, keep calm. Tu t’en vas où déjà ? À Volgograd, ok. Pour faire quoi déjà ? Aucune câlisse d’idée. Ah oui, je voulais me rendre dans le Caucase. Mais c’est drôle, là, ça me tente pas mal moins ! Il fait quarante degrés dehors, et ça devient de plus en plus aride au fur et à mesure qu'on descend au sud. Quarante degrés, sans blague !
On met le pied à Volgograd à minuit, etje suis complètement vidé. Andreiy, lui, semble en pleine forme (je n’arriverai jamais à comprendre ce surhomme). Je découvre que mon hostel est en fait un petit appartement 3 ½ en haut d’un immeuble. Quatre paires d’yeux me scrutent alors que j’entre dans la chambre. Je me dis : ça y est, je suis dans le fond du désert, je ne peux plus contacter personne, j’ai presque plus d’argent, je vais crever ici. Ciao.
De ces quatre paires d’yeux, l’une d’elle sort de son lit et se présente à moi tout bonnement, calmement (et en anglais, j'vous jure !!!) : « Hi, my name is TakeYou. And you? »
C’est un nom sud-coréen, j’sais pas comment ça s’écrit. Mais je vais l’appeler TakeYou, ça sonne comme ça. Je sens que ce gars-là va m’aider.
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Dimanche 6 août 2017
Je me suis présenté à énormément d’étrangers dans les hostels, mais peu sont arrivés dans un moment aussi opportun de mon voyage comme TakeYou. Humble et discret, il ressemble à Psy de Gangnam Style, mais double size. Et il est adorable. Il m’accompagne au magasin pour l’achat d’un nouveau téléphone portable pourri, il est mon traducteur officiel. En russe, évidemment, pas en coréen.
La température demeure assez suffocante, mais je reste à l'intérieur la majeure partie de la journée. Je tente de savoir chu où, chu quoi, chu qui. Mon nouveau petit téléphone m’a quand même piqué un montant inattendu dans ma réserve d’argent liquide – réserve que je disperse précieusement sur moi, dans mes souliers et dans mon étui de caméra, faute de carte de crédit valide. Sans carte de crédit, je dois contacter mes proches pour l’achat de tout billet en ligne, comme pour mon retour éventuel à Moscou, par exemple. Mais les transactions que j'ai demandé à mes proches ne passent pas les contrôles de sécurité en ligne, bref… rien ne fonctionne. Peut-être que c’est le Karma. Je m’excuse, bon Dieu, pour avoir lancé des pommes sur des chars qui roulaient sur la rue principale à Mégantic… J’avais quatorze ans…
Du faux crabe fourré à la Miracle Whip, pourquoi pas. photo : LMR
En pleine réflexion sur ma vie dans la cuisine du hostel, bière à la main, je me mets à divaguer. Mon cerveau bifurque sur l'histoire de Stalingrad, l'ancien nom de Volgograd, où je me trouve.
En 1942, Hitler, en plein pic de sa guerre contre l’URSS, décide de réorienter ses armées de Moscou vers Stalingrad, à l'encontre de l’avis de ses généraux qui s’inquiétaient de l’éloignement et du climat imprévisible de la ville. (On dit entre autres qu'Hitler aurait pris cette décision parce qu'il souhaitait conquérir Stalingrad simplement pour la symbolique du nom – la ville de Staline). Le Führer n’a jamais voulu revenir sur sa décision. Et son armée s’est écrasée, ici à Stalingrad, dans la plus grande défaite de l’Allemagne nazie.
Prenons mon cas maintenant. Je pars de Berlin, je traverse la Pologne, je décide de me rendre à Stalingrad même si ça n'a pas de sens, puis je reste pris ici, et…
Ok, finis ta bière. Tu divagues. Tout va bien. J’ai un lit et un ami coréen. J’ai mis de côté assez d’argent pour ma bouffe. Et tant que j’ai de la bouffe, je suis heureux. N'est-ce pas ?
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Lundi 7 août 2017
La nuit porte conseil qu’on dit, ben c’est vrai. Je commence à apprécier ma nouvelle ville d’adoption. Oui oui ! C’est pas Volgograd qui me malmène, c’est ma situation. Et ma situation s’améliore tranquillement : TakeYou réussit à m’acheter un billet retour vers Moscou dans trois jours. Je le rembourse cash.
Bon, ça me fait des grosses journées. C'est pas simple. Mais je vois que le plan de mon voyage se dévoile, au loin, doucement.
Volgograd n'échappe pas au paysage russe typique. Photo : LMR
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Mardi 8 août 2017
Avant de me quitter pour toujours ce matin (snif!), TakeYou, grand geek de la Deuxième Guerre Mondiale qu’il est, m’a bien convaincu d’aller visiter la Statue de la Mère-Patrie de Volgograd. C’est comme la statue de Kiev, mais encore plus grooosse : un imposant 85 mètres de pierre taillée! Elle commémore la victoire soviétique dans la bataille de Stalingrad (Volgograd), en 1942, au prix de pertes humaines insensées.
La structure en question est impressionnante. Elle dépasse la Statue de la Liberté, y paraît. Le chemin pour s’y rendre est une véritable épopée : à partir de la rue, on doit monter un large escalier entouré de gravures de combat et de chants de guerre qui sortent timidement des murs (oui oui, avec des hauts-parleurs dissimulés). Puis on entre dans une sorte de caverne en béton qui nous amène, au bout d’une petite marche, dans une immense salle où résonne une petite musique de chants tristes, comme à la fin d’un film épique, genre quand le chevalier meurt. Je me sentais comme dans Assassin’s Creed quand j'explore un tombeau mystique. Sauf qu’ici, le tombeau, il est real.
Au total, la bataille de Stalingrad aura fait un million huit cent mille morts environ, soviétiques, allemands et civils, ce qui en ferait la bataille la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité. Honnêtement, ce mémorial a bien réussi sa mission : il me faisait vraiment quelque chose. Quelque chose de lourd.
Ensuite, le chemin nous fait sortir vers la grande statue. Du pur soviétisme, mais pour vrai, c’est impressionnant.
À Volgograd, la statue de la Mère-Patrie (derrière) est censée "défier quiconque qui désire s'attaquer à ses enfants". Photo : LMR
La salle funèbre commémorant les morts de la guerre. Photo : LMR
Emm, bon on traîne pas trop, la chaleur est montée à quarante-deux degrés celsus aujourd’hui, sans blague. Pourquoi c'est si chaud ici?? Une chance que l'air est sec... Alors je prends ça cool avec une promenade au bord du fleuve en fin de journée.
La chaleur laisse place à une brise de soirée qui remonte du fleuve. Je profite. Pas mal du tout. Joli panorama, ma chère Volgograd. Tu es quand même bien, après tout.
pour commémorer la bataille qui a fait 1,8 millions de morts, certaines victimes ont eu droit à une tombe, tandis que des centaines de milliers d'autres ont leur nom (ou pas) sur l'immense mur derrière, leur corps reposant dans la fosse commune sous mes pieds. Photo : LMR
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Mercredi 9 août 2017
Volgograd dégage cette atmosphère brute et authentique. Pas de touristes partout, juste des gens vrais. Et un tramway souterrain (oui oui) qui s’enfonce sous terre et remonte tout au long de l’axe central de la ville, sous « l’Avenue Lénine » (il y a une avenue Lénine dans toute bonne ville russe). La ville est bâtie sur la longueur, en suivant l’avenue Lénine, qui elle suit le fleuve, et donc la ville n’a pas vraiment de centre. C'est fascinant. Probablement parce que le centre-ville a été détruit pendant la guerre. Ok, fin de la capsule urbanisme.
Que ce soit dans un monument spécialement dédié (première photo) ou dans une simple banque (deuxième photo), l'héritage de Lénine est toujours bien présent en Russie ; contrairement à celui du dictateur Staline, effacé avec soin. Photos : LMR
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Jeudi 10 août 2017
Je passe une partie de mon après-midi à marcher avec Galya, une rencontre fortuite que j’ai faite hier au bord du fleuve. Elle me montre une grosse meunerie en brique partiellement détruite durant la bataille de Stalingrad, mais qui tient toujours debout. En contrebas, on peut entendre les bruits de fusil d’un jeu de tir en réalité virtuelle où on peut s’amuser à tuer des nazis. Ok, on va jusque là !
Ça tombe bien, puisque c’était aussi la journée nationale de l’aviation russe (ou quelque chose du genre). Dommage que je n’avais pas ma caméra pour capturer tout ça, mais j’ai eu droit à des shows d’avions de chasse au-dessus de ma tête, secondés d’hélicoptères de combat traînant des drapeaux russes dans le ciel. Mother Russia comme ils disent !!!
Je trouve cette photo particulièrement lourde de sens. Des enfants prennent un selfie sur un tank, devant une meunerie détruite par la bataille de Stalingrad. Le choc des générations, quoi. Photo : LMR
Toute épopée a une fin, et ce soir, celle de Volgograd/Stalingrad se terminait.
Je me rends à la station bien à l’avance pour chercher mon bus. Il est où ? Pas d’autocars dans mon champ de vision. Rien, sauf un petit minibus, qui ne va pas dans la même direction : je demande de l’aide à son chauffeur (mes skills de mime sont devenus pas mal). Et ce qui s’ensuit est vraiment étrange.
Il me fait signe de monter, du genre : grouille-toi, j’ai pas la journée. J’hésite, je monte, le minibus part, puis je regrette. Je m’informe aux passagers, ils ne comprennent pas grand-chose. Trente minutes plus tard, on transfère dans le gros autocar d’une compagnie que je ne connais pas. Je n’ai pas le même siège que sur mon billet.
Au final, je n'avais probablement pas le bon bus, mais ce que je sais, c’est que je m’en vais droit vers Moscou.
Хорошо ! (« Harasho », ça veut dire genre, « tout va bien ». J’aime ça dire « harasho »)
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Vendredi 11 août 2017
Oooh que le retour de Volgograd était plus confortable que l’aller. Genre sérieusement, j’ai pas vu les quinze heures passer cette fois.
Rebonjour Moscou. Donc, bilan de tout ça, je ne me suis pas rendu dans le Caucase, non. Mon changement de plan fut au final une très sage décision, avec mes soucis d’argent, de temps, de logistique. À la place, je prends un vol à vingt-cinq euros demain vers la Bulgarie. Ouais, TakeYou avait pu me dénicher ça l'autre jour sur internet.
Voyons voir ce que ça donne...
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Samedi 12 août 2017
Le vol vers Bourgas, en Bulgarie, est parfait. Pas très long, juste assez pour sentir cette bouffée de chaleur en sortant de l’avion. Bourgas est sise tranquille au bord de la Mer Noire, telle une petite station balnéaire sans prétention. C'est un endroit prisé des russes, mais méconnu des occidentaux. Le paysage environnant, vallonné, est assez joli. Tranquille.
Je trouvais mon dortoir un peu vide lorsque quatre jeunes et joyeux compagnons reviennent de leur journée au soleil. Ils se sont tous rencontrés ici, durant la semaine. Ils m’invitent à boire un petit coup en guise de bienvenue, en plus de m’inviter à rejoindre leur clique pour la journée de demain. Comment refuser de si belles propositions ?
Moi et les quatre compagnons, de gauche à droite : Stan et Albina, deux joyeux russes , Mat, un écrivain néo-zélandais vagabond, et Téodora, une sympathique bulgare.
Le littoral de Bourgas. Photo : LMR
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Je passe deux jours sans écrire. En gros, j'ai chillé, bu du vin cheap, marché, visité, bu du vin cheap, pouffé de rire avec ma nouvelle crew au bord de la mer.
Et je suis parti avec Stan et Albina à Plovdiv, au centre du pays.
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Mardi 15 août 2017
J’ai attrapé une sale grippe depuis hier.
Je trouve quand même la motivation d’être le conducteur désigné pour mon road trip avec Stan et Albina. Et il y a raison d’être motivé : on a loué une voiture pour aller voir le Buzludzha. En gros, c’est une immense structure en forme d’OVNI, perchée au sommet d’une montagne des Balkans. Le parti communiste bulgare l’avait construite au début des années quatre-vingt pour servir de centre de conférence. Depuis les années quatre-vingt-dix, elle est complètement abandonnée.
Mis à part quelques passages cahoteux et rigolos, les routes bulgares sont tout de même clémentes pour ma conduite. Je dirais que le paysage est l’élément le plus exotique, puisqu’on traverse des immenses plaines qui se joignent à un véritable mur montagneux. Et là, on grimpe : des routes en S, qui serpentent la forêt et son vert puissant, à flanc de vallées et de crêtes. C’est magique. Depuis quand n’ai-je pas vu un décor aussi sauvage, aussi pur ?
Les plaines et les Balkans. Photo : LMR
Je découvre pourquoi je me sens si bien. Ça me rappelle ma jeunesse dans mon coin de pays, les vallons, la verdure à perte de vue… Un paysage assez rare en Europe, il faut dire. Oh, attend, qu’est-ce que je vois au bord de la route ? Une femme qui fait du pouce ! On l’embarque ? Why not !
Notre nouvelle passagère est inspirante. Avocate roumaine, au bord de la quarantaine, elle fait du hitch-hiking presque quotidiennement, et elle change de domicile à chaque année (quand elle en a un). On lui parle du Buzludzha. « Je dois revenir en Roumanie ce soir », dit-elle. « mais bon, ça peut attendre… Je peux venir avec vous à votre truc d'OVNI communiste ? »
Notre voiture dans la montée vers le Buzludzha. Photo : LMR
Nous apercevons l’OVNI géant au loin. Dans la montée, des sculptures communistes monumentales nous préparent à l’expérience. De par son isolement, le Buzludzha n’est pas (encore) la proie du tourisme de masse, nous donnant cette précieuse exclusivité. Le mastodonte architectural devant moi, je suis, honnêtement, abasourdi. On entre à l’intérieur par une brèche dans le mur, et on est envahi par ce vacarme provenant du toit, qui menace de s’effondrer à chaque bourrasque de vent. Pour preuve, le sol est jonché de ces morceaux de tôle et de vitre qui composaient le plafond. Ce qui est toujours bien en place quand on lève le regard, c’est cette mosaïque gigantesque qui tient encore le coup, arborant la faux et le marteau – symbole des régimes communistes – trônant sur son empire déchu. Comment ce pourrait être plus parfait ? Il faut le voir pour le croire.
Enjoy Communism. Photo : LMR
Entrée à l'intérieur. Photo : LMR
La faux et le marteau. Photo : Albina T.
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Mercredi 16 août 2017
Ahh, je suis toujours malade. Mon réveil difficile me le confirme, mon nez est plus congestionné que le pont Champlain à cinq heures du soir. C’est la faute aux chaleurs de Stalingrad ? Mon petit corps nordique était pas prêt.
Je visite Plovdiv avec Stan et Albina. Fascinante ville ! Six mille ans d’histoire (oui oui, plus vieux que les romains) nous ramènent à une Antiquité bien lointaine, ruines à l’appui. Un peu partout, on a mis au jour des vestiges de différentes civilisations – et quand je dis partout, c’est même en-dessous d’une boutique H&M. C’était quand même cocasse de voir un amphithéâtre romain à travers un gros trou vitré, entre les caleçons et le linge pour enfants.
Une chose que je remarque partout en Bulgarie : l’omniprésence des casinos. Partout, énormes et avec des enseignes lumineuses à profusion, style Old Orchard Beach ou Niagara Falls. D’ailleurs ce matin, quand je suis allé remplir d’essence la voiture de location, et que je devais changer ma monnaie, on m’a dit d’aller au « casino du coin ».
En soirée, on se déplace à Sofia, la capitale bulgare. C’est ma dernière soirée avec mes copains, alors oui, on se défonce la gueule. On met même le pied dans un bar de danseuses typiquement local (ouf), et pris d’un fou rire, on sort après cinq minutes… sans payer notre cover.
Plovdiv, la ville-relique aux sept collines. Photo : Albina T.
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Jeudi 17 août 2017
Je fais de touchants adieux à mes deux amis sur ma route vers l’aéroport de Sofia. One love la Bulgarie ! Je m'en vais.
Voilà : j’ai déniché un billet convenable vers Barcelone pour me rapprocher éventuellement de la France, mon étape finale obligée (j'ai laissé des affaires à Grenoble). Quatre heures plus tard, je retrouve donc la chaleur espagnole et les larges avenues arborées qui me rappellent Madrid.
Je marche tranquillement vers mon hostel au centre-ville. Quand j’arrive près de la Place de Catalogne, une des grandes places centrales, des policiers me bloquent l’accès. Je découvre que des rubans de sécurité ferment une zone qui va beaucoup plus loin, puisque je tente de contourner par d’autres rues, sans succès. À un de ces « barrages » bien gardés, je vois une femme en sanglots par terre, avec quelques personnes autour pour tenter de la calmer. Bon, elle a dû faire une crise de… quelque chose ? Mais pourquoi il y a des policiers partout, quelque chose s’est passé ?
Je n’ai pas envie de m’informer à tout le monde, car à ce moment je me sens particulièrement fatigué (et donc anti-social). Je veux juste m’écraser sur le lit de mon hostel qui se trouve sur la Rambla, l’avenue commerciale du centre-ville. Je m’arrête dans un petit snack-bar pour manger. Et là, je vois tout sur la télévision au mur : deux heures plus tôt, la Rambla, l'avenue de mon hostel, a été la cible d’un attentat terroriste à la voiture-bélier.
Des journalistes de tous les pays sont sur place, comme Radio-Canada (première photo) ou la télévision ukrainienne (deuxième photo). Photos : LMR
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Vendredi 18 août 2017
Par miracle, l’entrée de mon hostel était tout juste avant la zone fermée au public. Genre littéralement, le ruban de police était accroché au cadre de la porte d'entrée.
L’atmosphère est particulière, je ne saurais dire autrement. L’établissement est à cinquante mètres d’où le véhicule de l’attentat a terminé sa course sur la Rambla. Pourtant, aujourd’hui, la vie poursuit son cours dans le secteur, les commerces fonctionnent, les gens marchent, et ça, ça fait bizarre. Mais c’est exactement comme ça que ça doit être. « Ils ne nous feront pas peur », comme beaucoup de gens disent ici.
Des témoignages chargés d'émotion. Photo : LMR
Les gens viennent participer aux vigiles ou laisser des messages de solidarité sur la Rambla. Photos : LMR
Là où le temps s'est tragiquement arrêté, hier soir, pour l'une des victimes. Photo : LMR
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Samedi 19 août 2017
C'est la première fois que je vivais l'atmosphère d'un attentat terroriste. Imagine, si j'étais là une heure plus tôt, c'ét... non, faut pas rentrer dans ce genre de spéculation.
Okay. Il faut bien visiter Barcelone aussi.
Je serpente donc la ville et ses attraits incontournables. Jolie Barcelone, vivante, bien aménagée. Il manquait juste ma chemise à fleurs et mes gougounes, puis je me fondais à 100% dans le décor. En prenant des photos, je me suis rendu compte que des dizaines de personnes à côté de moi prenaient exactement les mêmes photos. C’est quand même ridicule quand on y pense. Alors savez-vous quoi ? J’ai arrêté de prendre des photos.
Malgré le choc que je ressens en revenant d'Europe de l'Est (mautadine qu'il y a des touristes ici), Barcelone ne donne pas sa place. Ses rues vivantes et colorées quadrillent la ville comme un véritable damier frôlant la perfection géométrique. Sur les balcons, un peu partout, des banderoles aux couleurs de la Catalogne sont fièrement arborées, vantant l'Indépendance catalane à coups de "si" écrits en gros sur les drapeaux.
Je vais tenter de retourner en France demain. Je sais pas comment ni vers où, peu importe. Je dormirai dans un champ s’il le faut. Je serai revenu chez moi. Chez moi, la France ? Bon, pas tout à fait, mais je le sens un peu comme ça depuis mon départ du Québec, en janvier dernier. En tous cas, c'estassez chez moi pour clore cette aventure écrite, peut-être.
À bientôt quand même.
J’ai quitté Barcelone le 20 août pour la France, sur le pouce (ou en stop comme ils disent ici) : neuf voitures différentes, neuf sympathiques chauffeurs qui m’ont traîné jusqu’à Grenoble au milieu de la nuit, en passant notamment par les petites routes d’Ardèche en après-midi (magnifique). Ça fait quand même un drôle de sentiment, de revenir en France. De parler français. Et pour "maximiser" l’expérience, un de mes gentils chauffeurs passe proche de frapper un sanglier qui sort abruptement d’un champ de vignes. Voilaaa.
À Grenoble, j’ai retrouvé mon amie Stella qui m’a accueilli sans hésiter chez elle, puis je me suis éclipsé sur le pouce à Chamonix pour faire d'la superbe randonnée, ensuite vers la Suisse où j’ai eu, il faut avouer, plus de difficulté à me faire embarquer sur le pouce (quand t’attends deux heures pour une voiture au bord de la route, c’est long!) J’ai ensuite rejoint un ami près du lac Léman, puis hop vers Marseille pour voir Stella avant de filer, le 29 août, vers Paris, où j’ai pris mon vol retour vers Montréal.
Ouf.
Huit mois plus tard.
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Moi tout en bleu dans les Aiguilles Rouges, près de Chamonix. Photo : LMR
Bon, j'imagine que c'est le moment où je dois faire une morale de tout ça, « OMG, ça m’a tellement changé », avec 2-3 photos de moi sur la beach. Mais emmm, non.
Je vais donc y aller pour une pensée qui m'a été renforcée, je crois, par cette expérience.
Comment je dirais bien ça...
Comprenez-moi bien : oui, il y a des différences culturelles entre les pays, et heureusement ! Surtout lorsqu'on change de continent. Je vais surtout parler ici du continent européen, où la culture commune est très forte.
Les différences qu'on appréhende entre les nations n'ont peut-être pas autant d'influence qu'on le pense. Le truc, c’est qu’au fond on aime bien rencontrer des italiens passionnés, des russes autoritaires, on veut voir le Lonely Planet en vrai. Quand on va dans un pays, on s'accroche inconsciemment à ces stigmates et on les rapporte à notre tour. Selon moi, les différences sont majoritairement entre les personnes elles-mêmes : il y a des personnes généreuses, ennuyeuses, joviales ou mesquines, par-tout. Au fond, rappelons-nous que la majorité des frontières, ça s'est réglé par des guerres de pouvoir et des traités, tout simplement...
Voilà, c’était mon petit mot. Au fond, j'ai quand même réussi à sonner beaucoup trop cheesy. Comment faire autrement?
À bientôt, j'espère.
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Photos : LMR